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L’insoutenable hypocrisie du Gouvernement et du Sénat

Le vote solennel  du Sénat sur l’ensemble du texte modifiant le droit du mariage est intervenu  vendredi matin 12 avril 2013 à main levée, c’est-à-dire selon un décompte visuel des mains levées  des sénateurs et sénatrices présents en séance, constaté par les Secrétaires et proclamé par président du Sénat, conformément à son Règlement. Cette procédure courante pour les amendements et les articles d’un texte au fil de son examen, n’est généralement pas appliquée pour le vote final sur l’ensemble du texte qu’on adopte par un scrutin public, c’est-à-dire nominatif pour l’ensemble des parlementaires (présents ou absents ayant laissé leurs consignes de vote).

C’est un des piliers de la démocratie représentative, puisqu’il permet de connaître nominativement le vote de chaque parlementaire, contrairement au vote à main levée qui  reste clandestin.

Un scrutin public est obligatoirement prévu pour certains textes en raison de leur importance.

Il en est ainsi lors des votes sur l’ensemble des lois de finances, des lois organiques (à valeur quasi-constitutionnelle) et des projets ou propositions de révision de la Constitution ;

La loi modifiant le mariage dans le code civil appelait à l’évidence un vote par scrutin public, compte-tenu de son importance. La Garde des Sceaux n’avait-elle pas dit que le texte modifiait notre civilisation ?

Chaque parlementaire peut et doit ainsi assumer devant l’histoire la responsabilité de son vote.

Soumettre l’ensemble du projet de loi à un scrutin public pouvait être facilement décidé. Il suffisait que le Gouvernement le demande, par la voix de Madame TAUBIRA présente, ou le Président du Sénat Jean-Pierre BEL   ou un Président de groupe réunissant au moins trente membres ou apparentés ou rattachés, ou la commission saisie au fond, ou trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal. (Article 60 du Règlement)

Or le 12 avril, aucun de ceux-là qui avaient la capacité effective de soumettre le texte à un vote par scrutin public ne l’a demandé alors que tout le monde en France l’attendait pour savoir comment chacun avait voté.

C’est en entendant le Président soumettre le vote du texte selon la procédure simplifiée et dissimulée, de la main levée que cette dérobade historique est apparue. Aucun de ceux qui en avaient le pouvoir n’a demandé un scrutin public.

Il est évident qu’une entente  préalable entre toutes ces personnes  était intervenue pour qu’il n’y ait pas de scrutin public susceptible de révéler le véritable vote de chacun et vraisemblablement l’absence de majorité pour adopter le texte.

C’est une véritable ignominie, qui assujettit toujours plus nos institutions à la politique de la dissimulation, du mensonge et de la magouille. C’est l’insoutenable hypocrisie des détenteurs du pouvoir politique qui est flagrante.

Quelle peur a saisi le gouvernement, le président du Sénat, tous  les Présidents des groupes : (socialiste ; U.M.P. ; Union des démocrates et indépendants U.C. ; communiste, républicain et citoyen ;  rassemblement démocratique et social européen ; écologiste), pour  empêcher chacun d’entre eux de demander un scrutin public sur le texte.  La demande d’un seul aurait suffi pour entrainer automatiquement le scrutin public. La procédure est simple : il suffit de lever la main, à l’instant même où le président  de séance annonce, « je vais soumettre le texte au vote », et dise « je demande au nom du gouvernement, ou de mon groupe, qu’il soit procédé à un scrutin public, pour que la chose soit acquise. Personne n’a bougé !  Quelle belle connivence ! Ont-ils eu peur d’être désavoués par les sénateurs et les sénatrices plus attentifs à la colère qui monte dans la conscience des citoyens ?

Cette insoutenable hypocrisie du Gouvernement et du Sénat s’est doublée, aussitôt acquis le vote clandestin à main levée, d’une incroyable surenchère dans la mystification. Le président d’un groupe sénatorial a aussitôt demandé que, compte-tenu de l’opacité du vote à main levée soit annexée au compte-rendu du scrutin, pour publication au J.O., la liste détaillée des votants et de leur vote tel qu’elle aurait figuré à la suite d’un scrutin public s’il avait eu lieu! Tous les autres présidents de groupe ont aussitôt exprimé la même demande. Le Président du Sénat a immédiatement répondu que l’intervention orale ainsi formulée entrainait automatiquement publication de la liste théorique fournie séparément et après coup.

C’est une grande première historique dans toute la vie parlementaire : « le scrutin public virtuel »  publié au Journal Officiel ! C’est un sommet de la politique du mensonge, de la dissimulation et de l’hypocrisie.

La décadence de la vie parlementaire accélère celle de nos institutions. Peut-il y avoir encore demain un fondement à l’autorité politique ? Comment justifier encore l’obéissance des citoyens ?

L’affaire est à suivre. L’accélération de l’histoire est saisissante.

Le 13 avril 2013

Bernard   SEILLIER

Sénateur honoraire (1989-2008)


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